TitreÊtre ou ne pas être femme. Là est la question de la femme qui crée dans La Montagne secrète de Gabrielle Roy
Type de publicationArticle de revue
Année de publication1997
Auteur·e·sLamarre, S
Revue Francophonies d’Amérique
Numéro7
Pages31-42
Texte complet

Les représentations culturelles dominantes lient les hommes à la transcendance et à la création, tandis que les femmes se voient confinées dans la contingence et dans la procréation. Au niveau manifeste de La Montagne secrète, Gabrielle Roy semble adhérer à cette vision: elle met en scène un homme, Pierre Cadorai, dès qu’il s’agit de représenter l’artiste à l’œuvre. Pourtant, une intrigue submergée révèle les conflits intérieurs qui déchirent la créatrice. Par l’intermédiaire des figures jumelées de Nina (double de Mélina Roy) et du vison, Gabrielle Roy montre que le mariage et la maternité sont, pour la femme, un piège qui l’éloigne définitivement de la liberté et de la création. Pour devenir artiste, une femme doit alors renoncer non pas seulement à sa mère mais aussi à la femme en elle-même, à la sexualité et à la maternité, puisque «être artiste, c’est ne pas être femme, et être femme, c’est ne pas être artiste» (p. 39). La créatrice devient dès lors un être isolé; elle se voit coupée des autres femmes, qui lui inspirent pourtant compassion et solidarité, sans s’intégrer pour autant au groupe des hommes. Ce fait expliquerait la curieuse asexualité de Pierre, résultat logique du refus de s’identifier à Nina, symbole au fond du sort féminin négatif à rejeter. Le «paradis terrestre» dont rêve Pierre pourrait bien être cette terre nouvelle où les hommes et les femmes vivraient en égaux, archétype persistant de l’écriture des femmes. Le féminisme de Gabrielle Roy ressort donc clairement de cette œuvre nettement plus engagée et plus combative qu’on ne l’a laissé entendre jusque-là. [source: Saint-Martin, L. (1998). Lectures contemporaines de Gabrielle Roy: bibliographie analytique de la critique (1978-1997), Montréal, Boréal.]