TitreGabrielle Roy and Antoine de Saint-Exupéry: "Terre des hommes" — Self and Non-Self
Type de publicationLivre
Année de publication1991
Auteur·e·sBell, M
VilleFrancfort-sur-le-Main
ÉditeurPeter Lang
Texte complet

Dans «Terre des hommes», texte rédigé pour l’Exposition universelle de 1967, Gabrielle Roy livre l’essentiel de sa philosophie humaniste et existentialiste, inspirée de celle d’Antoine de Saint-Exupéry. Les deux auteurs empruntent le concept nietzschéen de la volonté de puissance, qui permet de faire appel à une énergie créatrice en soi; ils cherchent à accomplir une révolution spirituelle, à remédier à l’aridité du monde moderne (l’influence du groupe La Relève est également déterminante dans le cas de Gabrielle Roy). Les lie aussi l’adhésion à certaines valeurs: rejet du monde moderne de la production en série et de l’aliénation des masses, croyance au progrès et à une complicité harmonieuse entre les êtres humains et leur terre, persévérance, quête de l’illumination personnelle, charité, amour du travail comme contribution au progrès humain. Ils pratiquent tous deux un style classique, dépouillé, faussement simple, qui dissimule les marques d’un patient travail stylistique. Gabrielle Roy est plus confiante, plus optimiste, sans doute en raison de son admiration pour la pensée de Teilhard de Chardin, empreinte de l’idée de la perfectibilité de l’homme et d’une unité possible avec le monde extérieur; elle ne semble pas éprouver le mépris qu’affiche Saint-Exupéry à l’égard des gens ordinaires. Elle se trouve donc aux antipodes de l’élitisme et des envolées épiques de Saint-Exupéry. Bref, tout en s’inspirant des écrits de l’auteur français, Gabrielle Roy en arrive à une synthèse toute personnelle, en raison du contexte littéraire et social particulier du Québec de l’époque et de sa vision «chrétienne, syncrétique et “féminine” de l’humanité» (p. 63), vision circulaire plutôt que linéaire. Par ailleurs, sa perspective universelle, inspirée du Nouveau Testament, explique son refus du modernisme formel et son rejet du nationalisme chauvin. [source: Saint-Martin, L. (1998).Lectures contemporaines de Gabrielle Roy: bibliographie analytique de la critique (1978-1997), Montréal, Boréal.]