Gabrielle Roy, de la redondance à l’ellipse ou du corps à la voix
Titre | Gabrielle Roy, de la redondance à l’ellipse ou du corps à la voix |
Type de publication | Article de revue |
Année de publication | 1990 |
Auteur·e·s | Bourbonnais, N |
Revue | Voix et images |
Volume | 16 |
Numéro | 1 |
Pages | 95-109 |
URL | http://www.erudit.org/revue/vi/1990/v16/n1/200876ar.pdf |
Texte complet | Omniprésent dans Bonheur d’occasion, le corps féminin disparaît par la suite, car ce n’est qu’au profit d’un déni de la reproduction, et donc du corps sexué et de la séduction, que les jeunes femmes de l’œuvre arrivent à s’assumer. Comme il aurait été impossible alors de mettre en scène une jeune femme sachant conjuguer avec bonheur épanouissement érotique et refus de la maternité, Gabrielle Roy opte encore pour le réalisme: «À l’échafaudage tout imaginaire d’une fiction de l’avenir, l’auteure préfère la mise en déroute d’un présent inacceptable» (p. 96). Ni la mère ni l’institutrice, vouées l’une à la reproduction des corps, l’autre à celle des esprits, ne peuvent se libérer, pas plus d’ailleurs que les religieuses et les folles; seule y parvient la créatrice. Car la perte du corps, en signalant que Gabrielle Roy «élimine du plan romanesque ce qui n’est pas viable sur le plan existentiel» (p. 99), s’accompagne de l’accès à la créativité, particulièrement chez les vieilles femmes libérées du fardeau de l’espèce. On semble alors établir «la preuve que la vraie nature de la femme — celle qui fait retour une fois le joug social disparu — la porte vers les grands espaces et le grand large» (p. 101). Par ailleurs, témoin des actes créateurs accomplis par sa mère et sa grand-mère, Christine s’inscrit dans une filiation matrilinéaire; en même temps, comme sa mère la voue à l’enseignement, donc à la perpétuation d’un rôle féminin stéréotypé, il faudra la mort d’Éveline pour que jaillisse l’écriture. À l’origine de la vocation de la fille se trouve donc moins la mère réelle que la mère «originaire, hors culture» (p. 108), liée à la voix première, au chant. [source: Saint-Martin, L. (1998). Lectures contemporaines de Gabrielle Roy: bibliographie analytique de la critique (1978-1997), Montréal, Boréal.] |