Gabrielle Roy, de l’engagement au désengagement
Titre | Gabrielle Roy, de l’engagement au désengagement |
Type de publication | Livre |
Année de publication | 1989 |
Auteur·e·s | Novelli, N |
Titre de la collection | I quattro continenti, no 3 |
Ville | Rome |
Éditeur | Bulzoni |
Texte complet | Le changement de sujet qui marque l’œuvre royenne, le passage de la veine sociale à la veine onirique, «reflète un changement idéologique et non pas esthétique» (p. 48): l’auteure a pris conscience des responsabilités de l’écrivain social et, effrayée, les a esquivées. À preuve, son parcours journalistique en trois étapes — exploration de la réalité sociale, remise en question du système, puis invitation au rassemblement, à l’union. La troisième étape ne sera pas franchie dans la fiction, car Gabrielle Roy ne signera jamais le grand roman de la syndicalisation des ouvriers québécois. Ses œuvres engagées présentent une topologie des classes sociales, du sous-prolétariat à la petite bourgeoisie dans Bonheur d’occasion, puis la nouvelle classe moyenne des cols blancs dans Alexandre Chenevert, mais, au lieu de poursuivre le portrait de ce monde conflictuel, devenu plus percutant dans Alexandre Chenevert du fait que le personnage a pris conscience de son aliénation et tente d’y remédier, l’auteure délaisse l’étude de la vie urbaine. La fin tragique d’Alexandre sert d’avertissement: «Comme Alexandre Chenevert, elle risque d’y laisser son équilibre intérieur et sa santé» (p. 172). Dès lors, Gabrielle Roy présente, avec La Petite Poule d’Eau (ouvrage publié avant Alexandre Chenevert mais conçu après), une œuvre onirique, dépolitisée, d’où sont bannis les conflits et les tensions, un retour vers l’espace rassurant de l’enfance, un univers enjolivé, euphémisé. La Montagne secrète illustre encore le désengagement de l’auteure, dont la préoccupation dominante sera désormais la recherche d’une forme nouvelle capable de traduire sa vision esthétique. Selon Gabrielle Roy, l’artiste ne peut créer que dans la solitude, loin de ses semblables; la solidarité humaine n’enrichit pas l’art. Des documents annexés illustrent l’attitude de l’auteure, faite de «non-participation au débat social» (p. 171). Elle a donc abandonné le combat politique afin de retrouver la paix intérieure grâce au repli sur un univers imaginaire. [source: Saint-Martin, L. (1998). Lectures contemporaines de Gabrielle Roy: bibliographie analytique de la critique (1978-1997), Montréal, Boréal.] |