Le Grand Nord chez Gabrielle Roy et Yves Thériault

Publiés entre 1957 et 1970, La Montagne secrète et La Rivière sans repos, ainsi que deux œuvres d’Yves Thériault, Agaguk et Tayaout, fils d’Agaguk, témoignent des relations conflictuelles entre le Nord et le Sud en mettant en scène deux espaces, deux temps et deux cultures. Dans toutes ces œuvres, sauf La Rivière sans repos, le protagoniste vit une quête initiatique archétypale (zone inconnue, descente aux enfers, figures bienveillantes, illumination, retour) dont l’instance narrative souligne le caractère religieux. Les deux romanciers reprennent nombre d’éléments propres à la mythologie inuit, dont la conviction que les éléments naturels sont habités par une âme ou un esprit, croyance donnant lieu à une inquiétude que seuls apaisent les rituels et les règles. Bien qu’elle ne fasse pas aussi souvent allusion à la mythologie inuit que Yves Thériault, Gabrielle Roy pratique un anthropomorphisme qui rapproche son texte de la fable et lui permet d’évoquer les mystères de la vie et de la mort. Comme les primitifs, les personnages des quatre romans ont une vie rythmée par les cycles saisonniers, solaire et lunaire, et sont partagés entre la tentation du retour aux origines (surgissent alors des références plus étonnantes aux images bibliques du jardin d’Éden) et la recherche du progrès. Gabrielle Roy et Yves Thériault ont donc tous deux «une vision cosmique qui s’apparente à l’esprit mythique» (p. 615). [source: Saint-Martin, L. (1998). Lectures contemporaines de Gabrielle Roy: bibliographie analytique de la critique (1978-1997), Montréal, Boréal.]