Le Romancier fictif. Essai sur la représentation de l’écrivain dans le roman québécois
Titre | Le Romancier fictif. Essai sur la représentation de l’écrivain dans le roman québécois |
Type de publication | Chapitre de livre |
Année de publication | 1980 |
Auteur·e·s | Belleau, A |
Titre du livre | Le Romancier fictif. Essai sur la représentation de l’écrivain dans le roman québécois |
Ville | Sillery |
Éditeur | Presses de l'Université du Québec |
Pages | 39-89 |
Texte complet | Le projet d’écriture, chez Gabrielle Roy, n’est pas présenté comme survenant peu avant l’écriture elle-même; l’auteure insiste plutôt sur le caractère ancien et précoce de son désir d’écrire. On sent là une tenace angoisse non dite, d’autant que les conflits familiaux et la sexualité adolescente, ainsi que la révolte, sont niés; seul le désir du départ demeure et dénonce la censure opérée par l’écrivain adulte. C’est l’écrivain de la maturité qui fabrique en quelque sorte l’enfant qui voulait écrire, qui s’invente une enfance d’écrivain destinée à justifier un choix plus tardif. Dans cette optique, on n’est pas éloigné de la réalité en raison de sa condition d’écrivain; on choisit la vocation d’écrivain pour expliquer son éloignement de la réalité. Loin de faire ressortir l’unité profonde du moi actuel et du moi révolu, la scission narratologique souligne donc les blancs, les fissures et la fragmentation. Une autre ambiguïté naît du fait que le projet d’écriture transite par la figure maternelle, qui l’encourage et s’y oppose en même temps: «Écrire c’est donc aussi quitter sa mère. Mais c’est en même temps se mettre par elle à la recherche de la filiation et de l’origine» (p. 52). Les nombreuses représentations de l’activité créatrice (les signes tracés sur le sable, la poupée de la grand-mère) nous conduisent à nous demander de quelle manière la réalité est saisie et transformée par le texte littéraire. Par ailleurs, on peut établir une opposition entre les romans du code, comme ceux de Roger Lemelin, dans lesquels la littérature est vue comme un acte extérieur, une activité productrice dont on souligne les dimensions sociale et institutionnelle, et les romans de la parole, comme Rue Deschambault et La Route d’Altamont, où elle est présentée comme «un fait de pure subjectivité» (p. 59), comme un voyage intérieur, comme un projet esthétique avant tout. Dans les deux cas, «il semble que le discours québécois ne puisse représenter le destin de l’écrivain autrement que dans la déchirure» (p. 83). [source: Saint-Martin, L. (1998). Lectures contemporaines de Gabrielle Roy: bibliographie analytique de la critique (1978-1997), Montréal, Boréal.] |