Le secret de La Montagne secrète: une quête de la mère

Au niveau manifeste de La Montagne secrète, Gabrielle Roy adhère à l’équivalence symbolique homme-création et femme-procréation, omniprésente dans notre culture, et présente l’art comme étant l’apanage des hommes; à la différence de ce qui se passe dans ses autres livres, les personnages féminins sont pour l’essentiel absents. Mais sous cette intrigue de surface, se cache le même roman familial au féminin que dans les autres écrits de Gabrielle Roy, doublé d’une vision au féminin de la société et de la création. La maternité et le mariage, qui sont un piège cruel, font l’objet d’une vive dénonciation; le personnage de Nina incarne la femme dépouillée de son pouvoir créateur par la culture patriarcale. En revanche, la quête artistique se double d’une quête de la mère préœdipienne, autrement dit de la mère puissante, non aliénée par la culture, que symbolise la Montagne. Créer, c’est donc renouer avec cette mère préœdipienne pour récupérer le pouvoir perdu avec l’entrée dans la culture. Toute cette réflexion, ainsi que la présence latente de ce roman familial au féminin lié à la quête de la mère préœdipienne, annonce la quête de la Déesse-mère des écrits féministes des années 1970 et 1980 et permet de rétablir les liens entre La Montagne secrète et le reste de l’œuvre du point de vue de la critique au féminin. [source: Saint-Martin, L. (1998). Lectures contemporaines de Gabrielle Roy: bibliographie analytique de la critique (1978-1997), Montréal, Boréal.]