Sexe, pouvoir et dialogue
Titre | Sexe, pouvoir et dialogue |
Type de publication | Article de revue |
Année de publication | 1997 |
Auteur·e·s | Saint-Martin, L |
Revue | Études françaises («Le Survenant et Bonheur d’occasion: rencontre de deux mondes») |
Volume | 33 |
Numéro | 3 |
Pages | 37-52 |
URL | http://www.erudit.org/revue/etudfr/1997/v33/n3/036078ar.pdf |
Texte complet | Une comparaison systématique des dialogues de Bonheur d’occasion et du Survenant révèle que l’instance narrative de Bonheur d’occasion éclaire davantage l’intériorité des personnages et leur prête beaucoup plus souvent la parole, d’où une plus grande polyphonie. Comme les réflexions des personnages de Bonheur d’occasion contredisent très souvent leurs paroles, le dialogue est «le lieu de la tromperie, de la ruse, et, pour tout dire, d’une immense et douloureuse solitude» (p. 42); le plaisir de la parole, les rituels de la sociabilité, si importants dans Le Survenant, sont presque absents de Bonheur d’occasion. Dans les deux romans, par ailleurs, les dialogues permettent une critique des relations de pouvoir entre les sexes. Dans Bonheur d’occasion, les hommes dominent les échanges linguistiques et ont le monopole de la parole publique et performative; la parole des femmes se limite aux domaines familial et amoureux. Mais il ne faut pas en conclure que Gabrielle Roy prône l’exclusion des femmes de la sphère publique; dans les limites que lui impose le réalisme, elle explique pourquoi les femmes sont incapables de soutenir un débat public d’idées et leur prête, par le biais du discours indirect libre, une réflexion privée à caractère sociopolitique. En fait, les réflexions intérieures que présente le roman sont surtout celles de Rose-Anna et de Florentine; on peut donc parler d’«une volonté de prêter voix aux femmes, même et surtout lorsque la société les réduit au silence» (p. 52). C’est dire que les deux romancières «minent, de l’intérieur et grâce aux outils mêmes du réalisme, l’imposante construction sociale et discursive qu’elles prétendent soutenir» (p. 52). [source: Saint-Martin, L. (1998). Lectures contemporaines de Gabrielle Roy: bibliographie analytique de la critique (1978-1997), Montréal, Boréal.] |