À la fin des années 1970, Gabrielle Roy a entrepris la rédaction de son autobiographie, qui devait à l'origine comporter quatre parties. Elle a le temps d'en compléter deux : «Le bal chez le gouverneur» et «Un oiseau tombé sur le seuil», rassemblées en 1984 sous le titre La Détresse et l'Enchantement, livre qui fut publié un an après la mort de la romancière. En 1997, ce qui devait constituer la troisième partie de cette autobiographie, un texte inachevé de quelque quatre-vingt pages manuscrites, a été publié sous le titre Le temps qui m'a manqué, dans la collection «Cahiers Gabrielle Roy» des Éditions du Boréal. Dix ans plus tard, nous avons rendu disponible, sous la forme d'une édition électronique, les trois états manuscrits de ce texte, qui sont accompagnés d'un appareil de notes explicatives et d'un relevé exhaustif des variantes (qu'on retrouvera ici sous l'onglet «édition électronique – Le temps qui m'a manqué»).

Lorsque nous avons entrepris la seconde phase de notre projet d'édition électronique, qui vise à rendre disponible l'ensemble des inédits de Gabrielle Roy et les avant-textes des œuvres publiées, il nous est apparu fondamental de compléter l'édition électronique du dossier génétique de l'autobiographie, et ainsi de proposer une édition des états successifs des deux premières parties de La Détresse et l'Enchantement. Pour chacune des deux parties de l'autobiographie présentées ici, on trouvera la reproduction numérisée des manuscrits (en format image), ainsi que les quatre états du texte, dont nous offrons à la fois la transcription diplomatique et la transcription linéaire. Dans tous les cas, nous nous sommes efforcés de reproduire le plus fidèlement possible la présentation matérielle du manuscrit (voir la légende qui apparaît sous le texte).  On pourra également consulter le texte dans ce que nous appelons son «état final», c'est-à-dire celui qui correspond, à quelques corrections près (qui ne concernent que l'orthographe ou les coquilles), à la dernière version relue et annotée par Gabrielle Roy elle-même peu de temps avant sa mort. Cet état final est accompagné d'un appareil de notes explicatives, qui donnent des détails biographiques, bibliographiques et historiques sur certaines portions du texte dont la compréhension nous paraît devoir être éclairée par ce type de précisions.

Le dossier de la Détresse et l’Enchantement est conservé dans deux collections d’archives. Deux états manuscrits, le tapuscrit original ainsi qu’une copie annotée de ce tapuscrit (pour un total de 2267 feuillets) se trouvent dans le fonds Gabrielle Roy de Bibliothèque et Archives Canada, à laquelle Gabrielle Roy a remis la plus grande partie de ses archives littéraires et personnelles au début des années 1980 (nos d’acquisition : MSS 1982-11 et MSS 1986-11. Voir: http://collectionscanada.gc.ca).

Une autre portion du dossier appartient à la collection privée de monsieur François Ricard, qui a accompagné Gabrielle Roy dans la révision du texte de La Détresse et l’Enchantement et qui préparé l’édition publiée en 1984. Il s’agit du tapuscrit annoté ayant servi à la publication de 1984, qui comporte des interventions manuscrites de Gabrielle Roy, de François Ricard et d’une tierce personne qu’il n’est pas possible d’identifier, mais que nous pouvons supposer faire partie de l’entourage de Gabrielle Roy car il ne semble pas s’agit pas, selon toute vraisemblance, d’un membre du personnel de la maison d’édition qui aurait veillé à la révision du texte en 1984. Ce dossier, qui contient 678 feuillets, renferme aussi quelques lettres adressées à F. Ricard dans lesquelles la romancière énumère des corrections qu’elle souhaite voir effectuer à son texte.

L’essentiel du travail de correction et de réécriture effectué par Gabrielle Roy et François Ricard a été réalisé en 1980-1981; ce travail a permis l’établissement du texte préparé par F. Ricard et publié en 1984.

À première vue, aucun problème ne paraît se poser quant à la séquence de travail, qu’on croyait jusqu’à tout récemment pouvoir reconstituer ainsi :

(1) À la fin des années 1970, Gabrielle Roy rédige à la main deux états successifs du «Bal chez le Gouverneur» et d’«Un oiseau tombé sur le seuil».
(2) Elle fait ensuite dactylographier le second état de son manuscrit par une copiste.

(3) Des corrections sont ensuite effectuées sur ce dactylogramme d’abord par Gabrielle Roy, ensuite par François Ricard (dactylogramme dont G. Roy fait d’abord une photocopie, qu’elle laisse dans le dossier de la Bibliothèque nationale).

(4) Suite à ces corrections, certaines pages, dactylographiées de nouveau, ont remplacé les anciennes dans le dactylogramme.

(5) Une photocopie du dactylogramme annoté est déposée à Bibliothèque et Archives Canada et l’original demeure entre les mains de François Ricard, qui s’en sert pour la publication en 1984.

Or, certains indices laissent plutôt croire que Gabrielle Roy et ses collaborateurs auraient travaillé au même moment à la révision des deux dactylogrammes (celui qui a été déposé à Bibliothèque et Archives Canada et celui qui est conservé dans la collection privée de François Ricard), puisque ces deux documents ne portent pas exactement les mêmes annotations. Certaines pages trouvées dans le fonds Gabrielle Roy à Ottawa comportent des annotations de Gabrielle Roy et d'une personne qu'il nous est impossible d'identifier qui n’apparaissent pas dans le dactylogramme conservé dans la collection de F. Ricard, alors que des pages du dactylogramme des archives de  F. Ricard comportent des marques de révision qui ne se trouvent pas dans le document de Bibliothèque et Archives Canada.

De la même manière,  il y a deux séries de pages qui ont été dactylographiées de nouveau qui ont été remplacées dans les dactylogrammes, à la fois dans les documents conservés à Bibliothèque et Archives Canada et dans ceux de la collection de François Ricard; dans les deux cas, les pages originales se trouvent dans des chemises intitulée «pages modifiées».

Ces deux strates distinctes de corrections, dont l’une n’a vraisemblablement pas été prise en compte dans l’établissement du texte final (celles qui apparaissent sur le dactylogramme conservé à Bibliothèque et Archives Canada), ont posé problème pour le rétablissement de la séquence d’écriture et dans la manière de concevoir les modules de visualisation des états du texte. Comment, en effet, rendre compte de toutes ces étapes d’intervention quand on ne peut être certain de la place qu’elles occupent dans la séquence chronologique de rédaction?

Nous avons choisi de considérer ici le dactylogramme de la collection de François Ricard comme texte de base, et ainsi d'établir le texte final à partir de cet état, comme ce fut le cas pour l’édition publiée en 1984. Comme G. Roy avait confié la révision de son autobiographie à François Ricard en lui demandant de la publier après son décès, on peut sans doute considérer qu’il s’agit là de la version la plus achevée et la plus conforme aux volontés et à la mémoire littéraires de la romancière.

En privilégiant cette manière de procéder, le quatrième état du texte correspond au dactylogramme des archives de François Ricard, alors que celui de Bibliothèque et Archives Canada vient au troisième rang dans la séquence. Les variantes sont signalées par la lettre V dans l'état final.

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Le travail d'édition a été réalisé dans le cadre d'un projet de recherche subventionné par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. Le projet n'aurait pu être complété sans la précieuse collaboration du Laboratoire NT2. Nous souhaitons remercier Bertrand Gervais et Daniel Veniot, qui ont accepté, dès 2008, d'établir un lien de collaboration avec notre équipe de recherche, ainsi que Sylvain Aubé, Frédérique Dubé, Kim Petit, Gregory Fabre, Patrick Fournier (Whisky Echo Bravo), David Lesieur (Whisky Echo Bravo) et Robin Varenas pour le travail de conception informatique et pour la formation des assistants de recherche.